Coqueliko et les robots

IAMUX
6 min readDec 26, 2020

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Photo de ThisIsEngineering provenant de Pexels

Coqueliko marchait depuis plusieurs heures. Rien ne l’y obligeait mais elle aimait ça. Elle aurait pu prendre un mécaScoot’ mais elle adorait marcher des heures, perdue dans ses pensées, errant dans les rues désertes. Ça lui procurait un sentiment de plénitude absolue. Elle était la déesse de la rue vide, la reine des ruelles désertes. D’autant qu’il y en avait beaucoup des mécascoot’s de ce côté là de la ville. D’habitude, ils rodaient seuls, chacun quadrillant sa zone attitrée en attendant d’être appelés. Mais depuis quelques temps, c’était la période des mises à jour, tous les méca’s se regroupaient pour s’échanger les données de leur code source et fabriquer de nouveaux méca’s.

Elle trouvait les mécaScoot’s marrants quand ils roulaient comme ça, les uns avec les autres. Il y en avait toujours un qui dirigeait le troupeau, plus ou moins. Il était un peu devant, et choisissait l’itinéraire. Enfin c’est un peu l’effet que ça faisait car en réalité on ne savait pas vraiment ce qu’ils faisaient pendant la mise à jour. Ils clignotaient de toute part en balançant des données dans tous les sens. Elle adorait chevaucher les mécaScoot’s quand ils partageaient leurs données, elle s’imaginait que le mécascoot’ clignotait comme ça pour signifier à tous la satisfaction toute particulière qu’il avait à la transporter. D’ailleurs, à ces moments là, elle choisissait toujours le leader du groupe, ça mettait le bazar et elle ne se lassait pas de voir les autres s’affoler soudainement. Privés de leur meneur, certains se mettaient à tourner en rond tandis que les autres se figeaient ou se mettaient à sonner frénétiquement. Cette scène de chaos ne durait généralement pas longtemps mais c’était suffisant pour lui redonner le sourire quand elle était triste.

Mais pas cette fois. L’appel de le la marche à pied était plus fort aujourd’hui. D’autant qu’il y avait un petit vent chaud qui faisait flotter ses cheveux dans l’air. Elle adorait ça ! Elle aimait aussi sentir le chaud du vent sur sa peau, ça lui rappelait qu’il y avait encore quelque part des endroits très chauds qui chauffaient le vent et l’envoyaient jusqu’à elle, ici dans la zone adaptée où il faisait beau et bon quoi qu’il arrive. La température était toujours parfaite, ni trop chaud ni trop froid. Mais elle aimait quand c’était un peu plus chaud. Le chaud sur sa peau lui procurait un sentiment de sécurité. C’était comme ça. Et elle aimait croire que le vent chaud sur sa peau et dans ses cheveux soufflait spécialement pour elle.

Elle marchait depuis plusieurs heures déjà. Elle avait désactivé ses notifications pour être tranquille et ne fut pas avertie quand son niveau d’hydratation devint faible. Toutefois, ce coté de la ville était connecté au sécuScan’ et son safeModul’ avait lancé l’alerte. Avant même de se rendre compte qu’elle avait soif, elle aperçu la silhouette caractéristique du mécaFontaine qui se précipitait vers elle. Lui aussi était rigolo, il cavalait à toute vitesse avec ses quatre pattes articulées et son énorme citerne sur le dos. D’ailleurs avait-il un dos ? Car en y regardant de plus près ce n’était qu’une bonbonne avec des pattes.

Son gyrophare rouge clignotait et sifflait, c’était le signe que Coqueliko allait avoir droit à une bonne douche avant de pouvoir se désaltérer. Le méca se précipita sur elle et l’aspergea à grande eau jusqu’à ce que ses capteurs soient satisfaits de la température corporelle de Coqueliko. Puis le méca se figea, rétracta ses pattes pour déployer un petit bassin destiné à récupérer l’eau qui s’écoulait maintenant en continue de la citerne. Mode fontaine activé ! Coqueliko s’agenouilla au bord et bu quelques gorgées. L’eau était parfaite, pure et délicieuse, juste assez fraiche et comportant tous les minéraux dont son corps avait besoin, une merveille.

Puis soudain, elle plongea dans le bassin. Il était évidement trop petit pour qu’elle puisse se baigner complètement mais il y avait assez d’eau maintenant pour pouvoir patauger et s’immerger un peu. Le méca protesta comme il pu, sonna et vibra car sa fonction n’était pas d’être une piscine. Mais il ne pouvait rien faire, il devait se soumettre, même quand Coqueliko ne l’utilisait pas correctement. Elle battait des bras et des jambes en riant et elle mettait de l’eau partout. Jadis pensa t-elle, l’eau était une ressource précieuse, elle n’était pas abondante comme aujourd’hui. C’était bizarre d’ailleurs, la planète étant couverte en majorité d’océans, comment se faisait-il que dans le passé l’eau était une ressource si précieuse et rare ? Ça n’avait pas de sens ! En tout cas aujourd’hui l’eau était abondante et inépuisable. Les méca’s y veillaient. Coqueliko se lassa rapidement de son jeu aquatique et reprit son errance.

Perdue dans ses pensées elle ne remarqua pas le mécaHum’ assis sur le banc devant elle. Il ne bougeait pas, fixant le vide devant lui, comme si il réfléchissait ou attendait que le temps passe. Un méca ne faisait jamais ça. Un méca était toujours occupé. Ce mécaHum’ était d’autant plus bizarre, qu’il ne faisait vraiment rien. Elle ne l’avait toujours pas remarqué. Quand elle passa près de lui, il se leva et la fixa avec ses grands yeux lumineux. Coqueliko sursauta, son coeur s’emballa quelque peu. Le méca modifia immédiatement la forme de son visage afin de paraitre plus amical et rassurant. Il ajusta la forme de ses yeux, pencha sa tête légèrement sur le côté et émit de petits bruits apaisants. Elle sourit et se détendit immédiatement. Le mécaHum’ était conçu de telle sorte à ne jamais être effrayant et savait détecter et apaiser la moindre pointe de stress. Le méca continua de dévisager Coqueliko, émit un petit son de désapprobation et se rassit sur le banc, de nouveau immobile. Il attendait visiblement quelqu’un mais ce n’était pas elle.

Coqueliko dont l’imagination débordante partait au quart de tour s’imagina que le méca était un policier de l’espace chargé d’appréhender un dangereux terroriste qui menaçait la paix dans la galaxie ! Sauf que le terroriste avait été prévenu que son rendez-vous était un piège et ne vint jamais. Les pensées de Coqueliko jaillissaient à toute vitesse. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire elle avait déjà imaginé tous les détails de l’histoire, nommé tous les protagonistes, anticipé tous les rebondissements et évidement elle avait un rôle primordial dans toute cette affaire ! Agent secret Coqueliko ! En mission galactique pour appréhender les dangereux criminels qui pullulent de ce coté de l’univers ! Elle y était déjà, elle bondissait, criait, se roulait par terre en tirant avec son pisto-laser imaginaire sur de dangereux ennemis tout aussi imaginaires. Après plusieurs cascades plus périlleuses les unes que les autres elle s’immobilisa. Des mécaMed’s qui se trouvaient non loin de là se dirigeaient vers elle. Elle se mit à courir, mais c’était déjà trop tard, les mécaMed’s étaient sur elle et la cernaient. Elle n’eut d’autre choix que de se rendre. Elle ne s’en était pas rendu compte mais ses roulades périlleuses n’avaient pas été sans conséquence. Les mécaMed’s se posèrent sur ses coudes et ses genoux éraflés et se mirent au travail. Généralement ils venaient la soigner pendant qu’elle dormait. Mais quelques fois, quand ils étaient à proximité ils n’attendaient pas et intervenaient immédiatement.

Une fois ses éraflures disparues, Coqueliko revint vers le banc et se planta devant le mécaHum’. Elle l’observa avec attention. Il ne bougeait toujours pas. Elle fit mine de se laisser tomber sur le sol devant lui, mais il se contenta de tendre le bras afin de la rattraper, la remit sur ses pieds et se re-immobilisa. Elle faisait la moue, perdue entre l’amusement et la stupéfaction et continua de l’observer sans bouger. Mais elle était têtue, elle resta plantée là devant lui, sans bouger durant de longues minutes. Il ne bougeait toujours pas. Elle se ravisa et s’assit simplement à côté de lui. Elle resta assise sans bouger de longues minutes supplémentaires, toujours rien, il ne bougeait pas d’un pouce, ne disait rien, ne faisait rien. C’était un arbre en somme se dit-elle, mais sans feuillage, sans tronc et sans feuille, mais avec une tête et des bras. Bref, ce n’était pas un arbre mais il ne bougeait pas pour autant. Elle resta assise quelques minutes de plus, songeuse, les yeux dans le vide comme son voisin. Puis d’un coup, Coqueliko se leva et reprit sa route, laissant son ami éphémère à ses songes électroniques.

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